Un an après le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy, un point de vue du conseiller spécial du président de la République est publié par le Monde daté du 27 juillet 2008. Ce point de vue interpelle à plusieurs égards.
Sur la forme d'abord, est-ce le conseiller spécial (en mission) qui vient défendre le discours du président ou alors l'auteur et l'inspirateur dudit discours? La lecture du texte tend à montrer que Henri Guaino n'a toujours pas digéré la controverse suscitée par son texte; il justifie le bien-fondé de sa pensée 12 mois plus tard. Nul ne peut lui reprocher de défendre ses convictions, encore faut-il qu'il l'affirme clairement pour ne pas tromper son lectorat. Malheureusement cela n'est pas le cas.
Sur le fond, l'auteur persiste en réaffirmant par exemple que «l'homme africain est entré dans l'histoire et dans le monde, mais pas assez. Pourquoi le nier?» ou encore «Dans les sociétés paysannes, le temps cyclique l'emporte sur le temps linéaire, qui est celui de l'histoire. Dans les sociétés modernes, c'est l'inverse». L'explication de texte de notre anthropologue culturel relève plutôt d'une succession de clichés et d'une vision (plus qu'anachronique) de l'Afrique qui continue d'alimenter un imaginaire colonial de certains Européens. Je découvre à l'occasion qu'en 2008 la modernité est du côté de l'Europe et l'Afrique est une société de paysans. Pourtant l'Afrique, notamment sa jeunesse, est partie prenante et acteur de la modernité et de la globalisation. Demandez aux Américains et surtout aux Chinois ce qu'ils en pensent.
Il affirme ne rien devoir à Hegel, soit. Mais à l'évidence et nul besoin d'être spécialiste de Hegel, GH (Georg Hegel) semble bien avoir inspiré HG, auteur du discours de Dakar. Dans l'ouvrage La Raison dans l'histoire du philosophe allemand, la partie consacrée à l'Afrique présente de multiples similitudes avec le discours présidentiel.
Il y a donc deux siècles, G.W.F Hegel décomposait l'Afrique en trois continents dont "L’autre, situé au nord du désert, est l’Afrique, pour ainsi dire, européenne, un pays de côtes". Et de nous préciser, "c'est un pays qui ne fait que suivre le destin de tout ce qui arrive de grand ailleurs, sans avoir une figure déterminée qui lui soit propre. Tournée, comme l’Asie Mineure, vers l’Europe, cette partie de l’Afrique pourrait et devrait être rattachée à l’Europe, comme du reste ont tout récemment tenté de le faire, avec succès, les Français" (allusion probable à la prise d'Alger en juillet 1830).
En 2008, H. Guaino demande de se tourner ensemble vers l'avenir et affirme "cet avenir a un nom : l'Eurafrique, et l'Union pour la Méditerranée en est la première étape".
Alors Hegel or not Hegel?